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Ambre de la Baltique polonaise
L’ambre est récupérée depuis l’aube des temps par les hommes pour ses qualités esthétiques, et thérapeutiques. Elle fit durant l’Antiquité l’objet d’un commerce intensif entre les peuples germains, les Celtes, les Romains… C’est une véritable « route de l’ambre » qui prenait racine dans la mer Baltique et déployait ses branches dans toute l’Europe et jusqu’en Egypte où l’on trouva de l’ambre dans le tombeau de Toutankhamon. Pour les peuples slaves les morceaux d’ambre n’étaient autres que les larmes pétrifiées des dieux. On retrouve une idée similaire chez les Grecs avec Ovide qui raconte que les Héliades, filles du dieu du soleil Hélios, pleurèrent la mort de leur frère Phaéton : leurs larmes se transformèrent en ambre et elles-mêmes se métamorphosèrent en peupliers. Le mythe d'Ovide est certainement le plus "complet" puisqu'il reprend l'idée des larmes tout en identifiant parfaitement l'ambre à de la résine d'arbre.
« Les Héliades pleurent tout autant et offrent à la mort
le vain présent de leurs larmes ; nuit et jour, de leurs mains,
elles se frappent la poitrine et appellent Phaéton qui n'entendra pas
leurs pauvres plaintes ; elles restent étendues près de son tombeau.
Quatre fois, la lune avait réuni ses cornes et empli son disque ;les sœurs, selon leur coutume, - coutume qu'avait fait naître l'usage -,
avaient poussé leurs gémissements. Parmi elles, Phaétuse,
l'aînée, voulant se coucher sur la terre, se plaignit qu'elle sentait
ses pieds devenir rigides ; essayant de s'approcher d'elle,
la blanche Lampétie fut brusquement retenue par une racine ;une troisième s'apprêtait à s'arracher les cheveux, mais ses mains
ne ramenèrent que des feuilles ; celle-ci pleure ses jambes
muées en tronc, et celle-là ses bras transformés en longs rameaux.
Tandis qu'elles s'étonnent, l'écorce enveloppe le haut de leurs jambes,
gagnant peu à peu ventres, poitrines, épaules et mains,ne leur laissant que la bouche pour appeler leur mère.
Que pourrait une mère, si ce n'est se laisser aller à ses élans
et joindre ses baisers aux leurs, tant que c'est encore possible ?
Ce n'est pas assez ; elle tente de détacher leurs corps des troncs,
et brise de ses mains les tendres rameaux ; mais alorsdes gouttes de sang suintent, comme d'une blessure.
« Mère, je t'en supplie, épargne-moi, » crie chaque fille blessée,
« Je t'en prie, épargne-moi. Blessant l'arbre, tu déchires notre corps.
Et maintenant, adieu ! ». L'écorce atteint leurs derniers mots.
Depuis coulent leurs larmes durcies au soleil, gouttes d'ambre,qui s'écoulent des jeunes rameaux ; le fleuve limpide les recueille et les envoie pour servir de parure aux brus des Latins. »
Ovide, Les Métamorphoses, Livre II, 340.
Pour Sophocle (Vème siècle av. J-C) les larmes seraient
celles des soeurs du héros Méléagre, changées en oiseaux.
L’ambre est en fait une résine de conifères de l’Eocène, fossilisée, et dont les gisements sous la mer Baltique laissent s’échouer sur les plages quelques échantillons. Coulant le long des troncs cette résine collante a parfois piégé divers insectes (plus rarement des reptiles, des plantes, des poils de mammifères…) qui se sont retrouvés englué, puis engloutis et finalement entièrement préservés jusqu’à nos jours. Les échantillons présentés ici proviennent de Pologne, on y décèle plusieurs petits moucherons, des Nematocera, parfaitement préservés depuis près de 50 millions d’années !
Pièces obtenues par échange.
Tags : Ambre, Baltique, Pologne, inclusion, diptera, nematocera, éocène
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